Ces dossiers que l’on ne saurait recevoir

Comment s’épargner le traitement d’une demande de titre de séjour pour soins ? Petit tour d’horizon des procédés (illégaux) de certaines préfectures franciliennes.

Aulnay-sous-Bois - septembre 2018

Feindre de ne pas comprendre la demande

Monsieur J ne parle pas le français. Rendu régulièrement au pré-accueil d’une préfecture, il en ressort à chaque fois avec la liste des pièces à fournir. A l’Espace Santé Droit (ESD) où il est suivi, une collègue lui prépare une chemise contenant tous les documents requis pour l'enregistrement de sa demande de titre de séjour pour raison médicale. Peine perdue ! La collègue rédige donc une lettre à en-tête ESD pour Monsieur J expliquant qu’il détient les papiers nécessaires à sa demande. Une semaine plus tard, Monsieur J revient à l’ESD. « Vous avez présenté la lettre ? », demande la collègue. « Pas regarder la lettre », répond-il en mimant le geste de l’employé qui n’a pas daigné lire le courrier. Pour obtenir le formulaire, il a fallu accompagner Monsieur J au guichet.

Mettre en irrégularité des situations régulières

Madame F est devenue en quelques mois une sans-papière. A l’expiration de son titre de séjour, la préfecture lui a accordé un récépissé de trois mois sans autorisation de travail, puis une attestation de régularisation (sans valeur juridique), puis rien. Paniquée, Madame F a pris contact avec l’ESD. Gravement malade, elle vient de perdre son Allocation aux adultes handicapés (AAH) et son emploi à temps partiel. A la préfecture, on lui explique qu’elle doit attendre la décision de l’OFII après examen du dossier médical de la demandeuse. Sur insistance, la fonctionnaire appelle l’OFII qui donne son feu vert. Las, la délivrance du récépissé exige une « mise en forme matérielle avec photo » et la fonctionnaire n’est pas préposée à la tâche. Elle délivre donc à Madame F une attestation de régularisation à présenter à la police en cas de contrôle. Rendez-vous est pris pour retirer un récépissé de six mois avec autorisation de travail, dans l’attente d’un titre de séjour d’un an.

Inventer des subterfuges

« Au suivant ! ». Madame Z n’a pas présenté spontanément son certificat médical. Par chance, elle l’avait sur elle et l’a produit, mais trop tard. Dans cette préfecture, la demande de certificat est systématique. Et illégale dans le cadre de la procédure étrangers malades, comme le fait remarquer in situ une accompagnante de l’ESD. « Les ordres sont les ordres », répond l’employée. Autre problème : les photos d’identité de Madame Z doivent ressortir sur fond « gris pâle » et non pas blanc (pourtant demandé pour un passeport). Madame Z se précipite au photomaton disponible dans la salle et revient avec des photos sur fond blanc. Cette fois, le dossier a été enregistré.

Dire non sans rien entendre

Monsieur M est très malade et dans l’incapacité de se déplacer. Madame M, son épouse, tente de lui obtenir un titre de séjour pour soins. Refus de la préfecture. Monsieur doit se présenter en personne. Madame insiste en produisant les certificats médicaux démontrant l’incapacité de Monsieur. Nouveau refus. Monsieur M a dû se présenter sur un brancard au sortir de l’hôpital où il venait de subir une transplantation du foie.