Brève d’exil : « Effondrements »

Les Brèves d’exil portent témoignage des situations individuelles rencontrées par l’équipe pluridisciplinaire du Comede, dans le cadre des consultations et des permanences téléphoniques. Elles sont, à bien des égards, un indicateur de la condition des personnes exilées dans la société d’aujourd’hui.

Mars 2023,

 

Fuir, tout abandonner, devoir laisser ses enfants, ne pas savoir où est son mari, partir pour sauver sa vie, vite. Angoisse, peur, tristesse, douleur, panique, on est bien loin du champ lexical des vacances prises sur un coup de tête.

Etre demandeuse d’asile ce n’est pas qu’un statut administratif qui ouvre des droits dans un pays d’accueil. Les femmes que nous accompagnons au Comede, ont toutes une histoire douloureuse parsemée de violences. C’est ce qui les pousse à se séparer de leur famille, de leur pays, de leur vie. C’est cette vie qui s’effondre, d’un coup.

Sans surprise, les conséquences de l’exil sur la santé mentale et physique sont presque inévitables. La découverte d’une maladie grave vient parfois s’ajouter à ce triste tableau, avec l’urgente nécessité d’accéder à des soins spécialisés sans attendre trois mois. C’est le cas pour cette jeune patiente.

Elle avait une vie plutôt confortable, un mari fonctionnaire, une maison et des enfants en bonne santé. La famille venait même de s’agrandir avec un petit 4èmeC’est l’instant d’une nuit que tout bascule. Des militaires entrent chez eux, violemment. Le régime politique vient de changer et son mari n’est plus du « bon côté ». Aujourd’hui elle ne sait pas s’il est mort ou vivant.

La patiente nous décrit alors des scènes très violentes, les coups qu’elle reçoit et ses efforts pour protéger ses enfants.

Inquiet, le pasteur de sa communauté organise sa fuite en avion et s’occupe de ses enfants en attendant de pouvoir les confier à leurs grands-parents.

Elle, elle a mal aux seins.

Elle pense que c’est à cause des coups qu’elle a reçus cette nuit-là. Mais c’est bizarre, cela ne passe pas. Au contraire, elle a de plus en plus mal !

Une semaine après son arrivée en France, elle se présente au centre de santé du Comede. C’est une sœur de l’église qui lui a conseillé de venir ici. Elle y est reçue par un médecin puis directement accompagnée aux urgences.

Elle y passera la nuit et la prise en charge hospitalière sera vite organisée.

Parallèlement, nous l’accompagnons dans sa demande d’asile. Une fois sortie des urgences, nous payons des nuits d’hôtel, et trouvons un hébergement quelques jours plus tard. Hors de question de la laisser dormir dehors une nuit de plus.

Ce n’est pas la première fois que nous devons tout lâcher pour mobiliser notre énergie, notre réseau et nos moyens parce que la situation vécue par la patiente n’est pas acceptable.

Mais cette fois s’ajoutent la maladie, le sérieux et le visage des soignants qui l’examinent, la fatigue, les douleurs.

TouTEs les profesionnelLEs qui la rencontrent se mobilisent. Pas de refus de soins cette fois. Pas de problème pour annuler son transfert vers Besançon dans le cadre de sa demande d’asile. L’OFII trouve même une place dans un hébergement proche de l’hôpital.

Elle, elle est très inquiète pour ses enfants. Au bout de quelques jours elle réussit à joindre son frère, les enfants sont avec lui.

Ici, elle a trouvé le soutien de compatriotes, des « sœurs d’Eglise » qui passent la voir presque tous les jours.

Puis vient le jour de la consultation d’annonce : le diagnostic est confirmé, cancer du sein très avancé.

Tout s’effondre à nouveau.


Cette brève d’exil a été publiée le 8 mars 2023 à l’occasion de la Journée Internationale des Droits des Femmes. Pour prendre connaissance des données liées à l’accueil et l’accompagnement des femmes exilées au Comede, cliquez ici.