Brève d’Exil (Journée mondiale des réfugiés)

Les Brèves d’exil portent témoignage des situations individuelles rencontrées par l’équipe du Comede, dans le cadre des consultations et des permanences téléphoniques. Elles sont, à bien des égards, un indicateur de la condition des personnes exilées dans la société d’aujourd’hui.

À l’occasion de la journée mondiale des réfugiés, l’équipe du Comede a souhaité partager l’histoire de trois réfugiés rencontrés cette année.

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« Vous avez le statut de réfugié… et alors ? »

Le statut de réfugié est une protection, pas toujours la clé d’une maison.

Les pièces d’un jeu de construction dessinent un circuit sur le sol, des petites voitures, des peluches sont éparpillées aux quatre coins de la salle d’attente. Le son du cheval au galop sortant du château résonne en boucle depuis plusieurs minutes. Toute la salle d’attente observe et sourit à cette petite fille de 18 mois qui accompagne sa maman enceinte.

Sa maman, nous la connaissons depuis 2016. Nous l’avions aidée dans ses premières démarches en France et suivie jusqu’à son départ pour un centre d’accueil pour demandeurs d’asile à Vichy. Trois ans plus tard elle revient, enceinte de 8 mois et choyant une joyeuse petite fille. Sa situation administrative a évolué : elle a obtenu le statut de réfugiée, une carte de résidente de 10 ans et des revenus. Elle a, en théorie, accès à un logement social, un accompagnement de droit commun. Les démarches administratives devraient être facilitées.

La réalité est bien différente. Des raisons personnelles l’ont amenée à quitter Vichy. Naturellement, elle est revenue en région parisienne, les seules connaissances qu’elle a étant à Paris ou en Seine-Saint-Denis. Mais ici, les appartements sont petits, ses copines ne peuvent pas l’héberger. Elle a donc composé le 115, le numéro d’urgence pour les personnes à la rue. La réponse est sans appel : « pas de domiciliation sur Paris, pas de prise en charge possible ». Elle est revenue au Comede. Nous l’avons aidée à trouver une domiciliation, un toit à Paris. C’était son choix, le seul endroit où elle avait des repères. Mais aujourd’hui une carte de dix ans ne suffit pas, une enfant de 18 mois ne suffit pas, une grossesse de 8 mois ne suffit pas… Il n’y a plus de place, plus de place pour les personnes isolées, plus de place pour les femmes enceintes, plus de place pour les familles, plus de place pour l’urgence.

C’était un vendredi. Après son évaluation, nous avons décidé de lui réserver un hôtel pour le week-end. Nous avons demandé à cette maman si elle était d’accord pour partager la chambre avec une jeune femme de 19 ans demandeuse d’asile, elle aussi à la rue, elle aussi en attente de place au 115. L’une et l’autre étaient d’accord, elles sont reparties ensemble.

Samedi matin, en urgence, la maman s’est rendue à l’hôpital. Elle a donné naissance à son 2ème enfant, un petit garçon. Elle a dû patienter deux semaines à la maternité avant d’avoir une mise à l’abri, pour deux nuits dans un hôtel à l’autre bout de l’Ile-de-France. Durant ces deux semaines, elle a appelé le 115 tous les jours tandis que nous cherchions des solutions de notre côté. Au téléphone, elle nous expliquait être inquiète pour sa « grande » qui passait les journées dehors avec une copine. Seulement deux nuits, depuis plus rien, plus de prise en charge par le 115, pas de proposition de logement, pas de place en foyer, pas de possibilité d’hébergement citoyen sur du moyen terme avec une telle composition familiale.

Elle est revenue au Comede, nous avons de nouveau payé une chambre d’hôtel pour le week-end. À sa hauteur, sa petite fille a de nouveau aménagé la salle d’attente, fait résonner le cheval au galop et fait sourire son public.

Le statut de réfugié est une protection, pas toujours la clé d’une maison.


Des projets plein la tête

Il arrive à toute vitesse, parle un anglais parfait, ses documents sont déjà prêts, nos rendez-vous se calent dans un emploi du temps chargé et semblent presque inutiles. Mais il tient encore au soutien du Comede.

Le statut de réfugié, il l’a obtenu assez vite. Le travail a suivi. Le point le plus compliqué de son dossier aura été de trouver un logement.  Mais ensemble, nous avons rempli les dossiers comme il fallait, en demandant une reconnaissance prioritaire DALO (droit au logement opposable). Reconnu prioritaire, il a reçu une proposition dans le mois qui a suivi, incroyable !

Enthousiaste, il va visiter l’appartement. Il lui plaît beaucoup cet appartement, mais il ne pourra pas l’accepter. Il est loin, trop loin et inaccessible en transports en commun à partir de 23h. Son travail est à Paris, dans la restauration. Ses journées sont longues, il ne pourra jamais être à 23h aussi loin. Nous avons expliqué la situation, argumenté le refus et croisé les doigts pour qu’un autre appartement lui soit proposé rapidement.

Dans les six mois qui ont suivi, il a eu un appartement qui lui plaisait, un peu moins grand que le premier, mais mieux situé. Il est devenu propriétaire d’un restaurant, tout en gardant son emploi salarié « au cas où ». Il a des milliers de projets dans la tête et parle toujours aussi vite. Mais maintenant, il glisse quelques mots en français dans ses longues phrases remplies d’idées.


« Ma femme et mes enfants arrivent ! »

Première étape : obtenir le statut de réfugié, ça y est c’est fait !

Deuxième étape : entamer les démarches pour faire venir sa femme et ses deux petits garçons. La famille restée au pays va devoir se mobiliser. Nous prenons le temps de longs entretiens avec l’aide de l’interprète pour lui expliquer la procédure de la réunification familiale. La procédure est assez simple a priori, mais un peu longue.

La deuxième étape est passée, les « visa D » sont dans les passeports de la famille, les billets d’avion sont réservés pour le mois prochain.

La joie de cette arrivée se mélange à la panique. Où vont-ils habiter, où va-t-il accueillir sa famille ? Dès l’obtention du statut de réfugié, nous avons fait une demande de logement social, que nous l’avons actualisée à chaque nouvelle étape. Mais nous n’avons reçu aucune proposition. Nous demanderons une reconnaissance prioritaire DALO (droit au logement opposable) dès l’arrivée de la famille et nous ferons au plus vite les démarches auprès de la CAF. Mais en attendant, il va devoir se débrouiller en dehors du droit commun, trouver une solution auprès de ses compatriotes.

La famille va se retrouver, des enfants vont retrouver leur père, une femme va retrouver son mari… mais l’atterrissage va être difficile …


Créé en 1979, le Comité pour la santé des exilés (Comede) s’est donné pour mission d’agir en faveur de la santé des exilés et de défendre leurs droits. En près de 40 ans, le soin et l’accompagnement de 150 000 personnes de plus de 150 nationalités dans le cadre des consultations et des permanences téléphoniques ont fait du Comede un acteur essentiel de la solidarité à l’égard des migrants/étrangers et un dispositif d’observation privilégié de leur santé et de leurs conditions d’accès aux soins. Les activités d’accueil, soins et soutien des exilé.e.s, ainsi que d’information, de formation et de recherche sont indispensables pour répondre aux objectifs de l’association. Les actions du Comede sont conduites en partenariat avec des associations, institutions et professionnels de la santé, du droit et de l’action sociale.