Brève d’Exil : Des maux, des mots, toujours

 

Janvier 2023,

 

 

Moussa* vit « sa vie tranquille », « sans problème », pour reprendre ses paroles. Tant qu’il donne à voir ce qu’on attend de lui, tout va bien… Il ne prend pas de risque et il l’a accepté. Au fil du temps, il a dû intérioriser les dangers qui pèsent sur lui et compose avec. Il choisit soigneusement ses mots chaque jour pour éviter que des maux viennent perturber ses journées et ses nuits. Une stratégie du quotidien qui est peut-être alors son plus grand mal. Heureusement qu’il peut être qui il souhaite avec sa sœur. Sans doute la personne qui le connaît le mieux.

Mais un jour, la scène qu’il s’est efforcée de construire pour en faire sa forteresse s’effondre. Et les coulisses de sa vie se retrouvent à découvert. Il se retrouve criminel pour avoir aimé. Il est de ce fait torturé et laissé pour mort… Il sort de la vie pour entrer dans la survie et entame un long parcours.

Chargé de tous ses maux, il fuit son pays et parvient à en rejoindre un autre. Un carrefour devenant souvent une prison à ciel ouvert pour des personnes en migration. Il y obtient l’asile… Mais au prix d’être complètement délaissé sans ressource au milieu d’un espace inconnu, hostile. Enfermé dehors, il connaît la violence de la rue dans une ville où une hiérarchie, bien que mouvante, entre les gens de la « Cité » et ceux qui n’en sont pas demeure depuis des millénaires.

Il fuit à nouveau, le poids sur ses épaules encore plus lourd, dans l’espoir de pouvoir se décharger dans un pays connu pour être celui des « droits de l’Homme ». De bien grands mots pour des vérités différentes selon la personne que l’on représente. Devant sa seconde épreuve de l’asile et tous les obstacles à surmonter, celle du récit, celle de l’attente, celle des papiers, les mots défilent, se ressemblent. Lorsqu’il finit par nous trouver, au Comede Paris, quelques mois après son arrivée, il est à la fois écrasé par ses maux et les mots qu’on lui lance et qui l’assomment. Mais les siens, ses mots, ceux qui vont participer à calmer ses maux de tête, restent bloqués. Un travail de confiance débute alors. Un contrat implicite émerge peu à peu. Les mots sortent mais font mal pour aller mieux après.

L’après est devenu possible. Possédant désormais le « bon mot » statuant sur sa légitimité à rester, il faut encore trouver un espace pour un avenir sécurisant. Et si l’épreuve de la demande d’asile s’est passée mieux que ce que l’on aurait pu imaginer, c’est là où l’on ne s’y attendait pas que les complications se sont accumulées. Sous le toit d’une personne qu’il aurait espéré aimer, il fait à nouveau face à la violence. Nous nous tournons alors vers une structure accueillant des personnes qui, comme Moussa, ont été forcées de s’exiler au motif que leur amour était orienté vers le mauvais sexe, ou encore qu’elles n’avaient pas le bon genre…

Mais apparemment, il n’avait pas le bon physique pour son âge. Ses traumatismes étaient également trop palpables ! Après pléthore de rendez-vous manqués et infructueux durant lesquels les mots libérés se perdaient, il a finalement pu rejoindre son nouveau toit. Mais la confiance était déjà fracturée. Il va falloir la réparer avec de nouveaux mots.

A qui confier ses maux quand les mots de l’exil ne suffisent pas ?

*Le prénom a été modifié.

 

L’accueil et l’accompagnement des personnes LGBT+ au Comede