Une curieuse prescription pour une victime de violences

Monsieur G a mis du temps à confier les séquelles intimes consécutives à des sévices subis dans son pays d’origine. Sa consultation auprès d’un spécialiste a pris une tournure quelque peu déroutante.

Bicêtre - juin 2018. Monsieur G est âgé de 28 ans. Natif du Bangladesh, il est exilé depuis plus d’un an en France dont il ne parle pas la langue. Il présente des troubles psychiques majeurs consécutifs à des violences subies dans son pays d’origine. Au début de ses consultations au Comede, le jeune homme se confie peu sur la nature des sévices mais son corps parle pour lui. Il souffre d’affections multiples qu’il attribue à des coups. Ses difficultés à s’alimenter s’expliqueraient par le fait d’avoir été suspendu par le cou durant des heures et frappé au thorax à maintes reprises. Ses douleurs thoraciques lui font redouter un problème cardiaque. Elles proviennent en réalité d’une fracture de côtes, depuis ressoudées. 

Monsieur G est régulièrement reçu au Centre de santé du Comede, où il bénéficie à la fois d’une prise en charge médicale et psychothérapeutique. Un certificat récemment établi dans le cadre de sa demande d’asile fait état des violences dont il déclare avoir été victime. Au titre de sa demande, Monsieur G est bénéficiaire de l'assurance maladie et de la complémentaire CMU.

Il faut attendre plusieurs mois pour que Monsieur G révèle ce qui le préoccupe le plus : des troubles urologiques et sexuels. Les violences physiques exercées contre lui ont affecté ses parties génitales. Le jeune homme dit souffrir de douleurs urinaires et de graves problèmes d’érection. Impacté pour cette raison dans sa vie relationnelle, il déclare n’avoir eu aucun partenaire sexuel depuis les sévices subis. Un examen médical effectué au Centre de santé révèle une atteinte des veines du pénis. Le médecin du Comede décide alors d’adresser Monsieur G à un urologue, à l’appui d’un courrier détaillé.

Peu après son rendez-vous chez le spécialiste, Monsieur G revient au Comede très mécontent. L’urologue a bien lu le courrier, explique-t-il, mais n’a même pas pris la peine de l’examiner et s’est contenté de lui dresser une ordonnance lapidaire : « Sildénafil 25 mg, 1 comprimé par jour, quantité suffisante pour 1 mois. » Le Sildénafil est l’autre nom du Viagra, connu pour être prescrit en cas de troubles de l’érection mais uniquement en prévision d’un rapport sexuel.

Le médecin du Comede expliquera finalement à Monsieur G que cette prise en charge n’était pas adaptée, avant de l’orienter à nouveau dans l’attente d’une réponse adéquate. Avec le regret de voir perdurer certaines pratiques expéditives.