La rétention au risque d’une rupture de traitement

Ressortissant géorgien de 32 ans, Monsieur K est atteint de tuberculose grave à germe résistant. Son état n’a pas empêché son placement durant plusieurs semaines en centre de rétention (CRA).  

Monsieur K déclare être arrivé en France en juillet 2017. La tuberculose pulmonaire dont il souffre résiste aux traitements usuels de première intention. La prise en charge médicale s’est soldée par un échec dans son pays d’origine. Soigné dans plusieurs établissements publics hospitaliers parisiens, il a pu bénéficier d’une antibiothérapie adaptée. Ce traitement a débuté en août 2017. Il porte sur une durée estimée de dix-huit à vingt-quatre mois, à raison d’une prise quotidienne de cinq antibiotiques, dont certains à délivrance hospitalière exclusive, et ne doit en aucun cas être interrompu. Monsieur K a également subi une pneumonectomie droite (ablation de la partie du poumon infecté) en octobre 2017.

Dépourvu de titre de séjour, en butte à une obligation de quitter le territoire français (OQTF) assortie d’une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de douze mois, Monsieur K a été placé en rétention le 4 avril 2018 à la suite d’un contrôle d’identité, contraignant le Samu Social à apporter le traitement en CRA. Malgré une alerte de l’unité médicale du CRA concernant son état de santé, le médecin de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) a conclu dans un avis - rendu le 5 avril 2018 et répercuté cinq jours plus tard à l’intéressé - que « si l’état de santé de M. K. nécessite une prise en charge médicale au long cours dont l’absence peut entraîner des conséquences graves, eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d’un traitement approprié ». Le même médecin de l’OFII conclut que « l’état de santé de M. K peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d’origine ».

Cette décision entérine la menace de rupture d’un traitement antituberculeux contre une souche résistante, exposant ainsi le patient à des complications graves voire à des récidives de plus en plus difficiles à soigner. Elle remet par là-même en cause les recommandations nationales et internationales concernant la lutte contre la tuberculose. Enfin, l’avis médical de l’OFII contredit le certificat établi par l’hôpital Bichat attestant que la prise en charge de la pathologie de Monsieur K « a été un échec dans son pays d'origine qui ne dispose actuellement pas de la possibilité de traiter correctement ce patient ». Monsieur K a refusé à deux reprises d’embarquer lors de tentatives d'expulsion du territoire, les 12 et 29 avril 2018.

Avec l’appui du médecin hospitalier qui a suivi Monsieur K, l’ASSFAM – l’association intervenant au CRA - a saisi les ministères de la Santé et de l’Intérieur le 11 avril 2018. Cette saisine demeurant sans réponse, le Comede a alerté, le 2 mai, les services du ministère de la Santé afin, comme la responsabilité leur en incombe, de faire respecter les principes de protection de la santé des étrangers malades par le pôle médical de l’OFII et les services du ministère de l’Intérieur.

Monsieur K a été présenté le 4 mai 2018 devant le Juge des libertés et de la détention (JLD), qui a prolongé de quinze jours sa rétention administrative. Le 12 mai, le médecin de la veille sanitaire de l’Agence régionale de santé (ARS) a tenté d’alerter sans succès le CRA. La rétention de Monsieur K est arrivée légalement à son terme le 19 mai. Son état de santé s’étant à nouveau dégradé, il a été ré-hospitalisé dans la matinée du 15 mai, alors qu’un vol de retour en Géorgie était programmé le soir même.